Boris Kaufmann, Superviseur VFX, a travaillé sur 17 projets de longs-métrages et de séries au cours des 11 dernières années. De généraliste à VFX supervisor, il a touché à divers aspects des effets visuels. Ses contributions sur Le Règne Animal et Notre-Dame, La Part du Feu lui ont valu deux GENIE Awards. Dans cet entretien, il revient sur son parcours, ses défis et sa vision du métier.
- En quoi consiste ton métier de superviseur des effets visuels ?
Mon travail commence très tôt lors d’un projet : je lis le script, je fais une première estimation du travail, puis je prépare le tournage aux côtés du réalisateur et des différentes équipes de production. Ensuite, je participe au tournage des séquences nécessitant un travail VFX. Une fois le tournage terminé, je supervise toutes les équipes de postproduction, pour mener à bien la fabrication des effets spéciaux du film.
- Quel a été ton parcours pour en arriver à ton métier ?
J’ai commencé à la sortie de l’ESMA en tant que généraliste sur des projets publicitaires. Ensuite j’ai été Lead Lighting, puis j’ai progressivement travaillé en tant qu’artiste Look Dev (développement visuel d’assets), puis lead Look Dev.
J’ai commencé à travailler sur des longs métrages en 2014, d’abord en tant que lead Look Dev. Je suis devenu superviseur CG l’année suivante, un poste que j’ai occupé (et que j’occupe encore sur certains projets) jusqu’en 2021. A parti de 2021, je suis devenu superviseur VFX.
Quel est le projet dont tu es le plus fier ?
J’ai travaillé sur beaucoup de beaux projets, il est difficile d’en choisir un seul. Cependant, je pense que le projet dont je suis le plus fier à ce jour est Le Règne Animal.
Le travail réalisé par toutes les équipes sur ce film était excellent. Le résultat est un film à la fois beau, inquiétant et surprenant. Travailler main dans la main avec les équipes MFX de l’Atelier 69 pour obtenir des créatures ultra-réalistes, comme Fix, l’homme-oiseau, fut une expérience passionnante. Gagner le César des Meilleurs Effets Visuels a été une consécration pour toute notre équipe.
Focus sur Daniela Forever
J’étais le superviseur VFX de Daniela Forever, et j’ai donc accompagné Nacho Vigalondo, le réalisateur, et son équipe tout au long de la préparation du tournage. Le film comportant des VFX dans la majorité des séquences, j’ai été présent sur l’intégralité du tournage à Madrid.
Ensuite, j’ai supervisé nos équipes entre la France et la Belgique sur les différentes séquences à effets du film. Le plus gros challenge de ce projet résidait dans son effet principal : une sorte de barrière qui marque les limites du rêve lucide de Nicolas, le protagoniste. Cette barrière “vivante” devait se fondre dans la réalité, pouvoir se mouvoir, aspirer ou dévoiler des décors et des objets.
Nous n’avions pas vraiment de références visuelles claires. Il a donc fallu développer un asset FX très abstrait et versatile, capable de s’adapter à de nombreuses situations différentes.
Focus sur Le Règne Animal
Sur Le Règne Animal, en tant que superviseur CG, j’étais responsable de tous les départements 3D (Assets, Animation, FX et Rendu), tout au long de la fabrication des effets du film.
J’ai également assisté Cyrille Bonjean, notre superviseur VFX sur le projet, lors d’une partie du tournage.
J’ai rejoint Cyrille pour planifier les méthodes de tournage avec le réalisateur et les départements. Nous avons discuté de l’intégration de la 3D dans le film. Certains plans mélangent des comédiens en costume et de la 3D, d’autres sont entièrement en 3D.
Le principal challenge était le personnage de Fix, un homme-oiseau. Nous avons créé un double 3D hyper réaliste de l’acteur maquillé avec ses prothèses. Ensuite, nous avons développé tout un système d’ailes sous Houdini.
Les plans les plus complexes mélangeaient le comédien maquillé avec les ailes 3D. Le défi résidait, au-delà du réalisme des ailes, dans le fait de rendre la transition entre les deux invisibles.
- Qu’est-ce que tu dirais à un/e adolescent/e qui voudrait faire le même métier que toi ?
Tout d’abord, il faut prendre le temps de travailler en tant qu’artiste et de faire ce qui le/la passionne.
Le métier de superviseur demande une grande part de pédagogie. Il faut aussi une forte aptitude à l’organisation et une grande gestion du stress.
Ce métier ne s’apprend pas à l’école, mais en travaillant et en observant les acteurs de la création d’un film. Il faut comprendre le rôle de chacun et comment collaborer au mieux avec eux.
Pour un artiste, c’est passer de la fabrication à la gestion de projet et d’équipes. Cela peut être très gratifiant, mais c’est aussi abandonner une partie du travail qui nous passionne (la création d’images) pour se consacrer à une organisation et une gestion plus globales des effets d’un film.
- Pour toi, quel est le point culminant de ta carrière aujourd’hui ?
Je pense que ma première supervision VFX sur Vesper Chronicles a été un tournant important dans ma carrière. C’est le poste que je souhaitais depuis longtemps.
Ce poste me permet de prendre de véritables décisions sur la direction des effets d’un film, les méthodes de travail et la gestion des équipes. Mon but a toujours été de créer de belles images au service de beaux projets, dans de bonnes conditions.
- Quel est le shot le plus “challengeant” de ta carrière ?
J’ai trop d’exemples en tête : des simulations des poils des rennes du Père Noël en pleine tempête dans Santa et Cie, aux corps lumineux du film La Montagne, en passant par les barrières des rêves dans Daniela Forever. Chaque film a son lot de plans complexes. En tant que superviseur, mon rôle est de trouver, avec mes équipes, les meilleures solutions pour porter à l’écran la vision du/de la réalisateur(trice).
- Qui t’inspire ?
Ma mère, qui a su toute sa vie faire ce qui la passionnait, tout en s’occupant de mes frères et moi, seule, après le décès de mon père. Elle m’a transmis sa passion pour le cinéma et elle est d’un soutien indéfectible dans tous mes projets.
Quel est ton film préféré ?
Haha, ce n’est pas possible pour un cinéphile d’avoir un seul film préféré. J’aime les films de genres et d’époques très variés, et il y a des milliers de bons films que je n’ai pas encore vus !
