- Comment avez-vous été impliqué dans ce film ?
C’est Frank Mettre le directeur de post-production de Sous la Seine qui a commencé à me parler de ce projet en Juin 2022, 9 mois avant le début du tournage.
Ayant déjà supervisé plusieurs productions Netflix, dont Voleuses de Mélanie Laurent, Nicolas Bonnel, VFX manager chez Netflix, me faisait confiance, et j’ai donc pu rencontrer l’équipe de production ainsi que Xavier.
- Comment s’est déroulée cette collaboration avec le réalisateur Xavier Gens ?
Avec Xavier Gens, le courant est passé très rapidement. Nous partagions les mêmes références cinématographiques et, comme lui, je suis un grand fan de films de genre. C’est un réalisateur qui non seulement ne craint pas les effets spéciaux, mais qui les maîtrise parfaitement. Il sait les utiliser de manière judicieuse et les mettre au service de son histoire. De plus, il est extrêmement enthousiaste et réagit avec talent aux propositions que nous lui soumettons. Tous ces échanges ont été très constructifs et particulièrement enthousiasmants pour toutes les équipes de post-production.
- Comment avez-vous organisé le travail avec votre producteur VFX ?
Le binôme Producteur VFX / Superviseur VFX est crucial, quel que soit le type de projet, et encore plus avec un film de cette envergure.
Pour “Sous la Seine”, on pourrait même parler de trinôme. J’ai travaillé avec Loriane Lucas, qui, comme moi, travaille au sein de MPC Paris, mais aussi très étroitement avec Frank Mettre. Sur ce projet, l’une des volontés de la production et de Netflix était de partager la fabrication des VFX avec plusieurs studios. Bien que je sois chez MPC, j’avais le rôle de superviseur général pour l’ensemble du film. Frank Mettre jouait un rôle clé en garantissant une certaine impartialité vis-à-vis de tous les prestataires.
- Comment avez-vous choisi les différents studios et réparti le travail entre eux ?
Le choix a été très difficile. Il y a beaucoup de studios de qualité en France. Nous avons longuement discuté avec Frank avant de prendre une décision.
Nous avons commencé par réfléchir à la manière de répartir le travail entre les différents studios et avons décidé de le faire en fonction du type d’effets.
MPC s’est occupé des plans sous-marins, et des requins, tandis que Digital District, sous la supervision de Marc-Thomas Cave, était responsable des plans aériens, incluant l’incrustation des quais de Seine et des plans de tsunami.
Nous avons également sollicité UFX pour les plans d’incrustation des découvertes pour les intérieurs du décor de la brigade fluviale.
Enfin, chez MPC, nous avons partagé le travail entre MPC Paris et MPC Liège. Les plans réalisés en Belgique étaient supervisés par Philippe Frère, qui est également venu plusieurs fois sur le tournage.
C’était une très belle collaboration entre les studios.
- Quel est votre rôle sur le plateau et comment travaillez-vous avec les autres départements ?
Nous avons eu de nombreuses lectures et longues discussions en prépa avec, entre autres, le chef opérateur Nicolas Massart et le chef décorateur Hubert Pouille, ainsi que l’équipe chargée des cascades, des SFX, et bien d’autres.
Toutes ces réunions ont été capitales, car les VFX ne sont qu’un prolongement du tournage, et comme je le dis souvent, la réussite d’un effet visuel se joue à 80% sur le plateau.
- Ces discussions nous ont permis de trouver des solutions à plusieurs problématiques :
La plus évidente était de déterminer comment et où tourner les plans sous-marins. Nous avions des séquences censées se dérouler en pleine mer sous un océan de plastique, mais aussi sous la Seine, dans laquelle la visibilité est en réalité de moins d’un mètre.
Un autre défi concernait les plans situés sur la Seine en plein cœur de Paris, sachant qu’il est très compliqué d’obtenir des autorisations de tournage et que les créneaux horaires disponibles sont extrêmement courts (de 7 heures à 10 heures). Nous avons rapidement compris qu’à l’exception de quelques courtes séquences en bateau, il serait impossible de tourner la longue séquence finale. D’autant plus que nous avions besoin d’y installer un immense ponton flottant et des centaines de nageurs.
- Pouvez-vous décrire le concept initial et la vision des effets visuels ?
L’idée de Xavier était de réaliser un film spectaculaire tout en restant le plus crédible possible. Les requins, qui sont des Mako ayant subi une légèrement mutation, devaient paraître crédibles et réalistes.
D’ailleurs, les références que nous échangions régulièrement avec Xavier provenaient de films documentaires et de vidéos de vrais requins trouvées sur les réseaux sociaux.
Toutes ces références étaient notre bible pour comprendre le comportement des requins, analyser leurs mouvements, et comprendre comment leur peau réagit en fonction de l’incidence des lumières.
- Quels ont été les plus grands défis à relever pour créer le requin du film ?
L’un des grands défis était de pouvoir recréer l’univers aquatique. Dans l’eau, les couleurs et les contrastes varient énormément en fonction de la profondeur, de la turbidité et de la distance entre les objets et la caméra. Étant donné que les requins ne sont évidemment jamais immobiles, tous ces paramètres varient constamment sur chaque plan.
- Comment avez-vous obtenu les mouvements et le comportement réalistes pour le requin ?
Nous avons minutieusement étudié la morphologie et les mouvements des requins. Pour chaque plan à truquer, Augustin Paliard, notre chef animateur, avait sélectionné des références vidéo spécifiques correspondant aux comportements que nous souhaitions reproduire. Chaque animateur disposait ainsi automatiquement de ces références dès le début de son travail sur un plan donné.
- Comment votre équipe s’est-elle assurée que les textures et les détails du requin étaient réalistes et crédibles ?
Tout comme pour les animations, nous avons accumulé un grand nombre de références pour analyser l’aspect des requins. Nous avons rapidement réalisé que la texture de la peau pouvait varier considérablement en fonction de la lumière et de l’orientation du requin : tantôt mat, tantôt satiné, voire métallique. Florian Wolff, superviseur CG, et Maxime Chaix, superviseur Compositing, ont collaboré étroitement pour mettre en place une méthode permettant de reproduire ces différents rendus.
Un autre paramètre crucial était l’influence de l’eau sur la colorimétrie.
Il est important de noter que la turbidité de l’eau affecte la profondeur à laquelle les couleurs disparaissent : le rouge disparaît entre 0 et 5 mètres, l’orange entre 10 et 15 mètres, et le jaune entre 15 et 25 mètres. Pour le tournage, j’ai spécialement conçu une boule chromée immergée, et pour chaque plan de requins, j’ai demandé à un plongeur de suivre la trajectoire du requin avec cette boule et une charte de couleurs. Cela nous a permis de capturer toutes les variations de colorimétrie que nous pouvions appliquer à nos requins en CGI.
- Y a-t-il eu des techniques uniques ou des innovations développées spécifiquement pour les effets visuels du requin ?
L’un des défis majeurs était la séquence connue sous le nom de “la crypte”, où nos héros se retrouvent entourés de centaines de requins.
La référence de Xavier était le documentaire “700 requins dans la nuit”. Pour réaliser cette séquence, il a fallu développer un gestionnaire de foule spécifique nous permettant de créer des centaines de requins nageant nageoire contre nageoire.
- Quelles ont été les scènes impliquant le requin les plus difficiles à créer et pourquoi ?
Peut-être les plans de requins sous la Seine.
Avec une visibilité, en théorie, de moins d’un mètre sous la Seine, il était évident que nous devions ajuster la turbidité de l’eau en fonction des plans, tout en maintenant un niveau de crédibilité élevé. Nous devions donc créer une harmonie entre les plans larges nécessitant une meilleure lisibilité et les plans serrés, sans que cela ne paraisse artificiel.
- Pouvez-vous expliquer le processus de recréation numérique de Paris pour le film ?
Comme il était impossible de tourner les séquences de triathlon sur la Seine, nous les avons filmées sur un bassin de 100 mètres par 80 situé sur le backlot des studios d’Alicante.
Nous devions donc réintégrer Paris et ses quais de Seine pour ces plans. Nous avons utilisé plusieurs méthodes en fonction des plans.
Tout d’abord, nous avons réalisé un Lidar de toute la zone de jeu, soit environ 2,5 km de quais, afin de modéliser précisément les quais.
Lors des trois jours de tournage de la comédie avec des centaines de figurants sur les quais devant l’Hôtel de Ville de Paris, nous disposions d’un bateau pour les VFX, ce qui nous a permis de capturer un maximum de plates.
Nous avions préalablement discuté en détail avec Riwanon Lebeller, la monteuse du film, qui nous avait préparé un premier montage de ces séquences. Cela nous a permis de cibler précisément les pelures à tourner.
- Quelles ont été les principales difficultés rencontrées pour faire correspondre le Paris recréé avec les lieux réels utilisés lors du tournage ?
C’est Digital District qui s’est chargé de la fabrication de ces séquences.
La première difficulté avec ce type de plans réside dans l’harmonisation des lumières. La lumière en Espagne n’est pas la même qu’à Paris.
Une autre difficulté était de raccorder l’eau du bassin où se trouvaient nos comédiens avec celle de la Seine. Il fallait donc harmoniser l’eau du bassin, qui pouvait avoir des nuances différentes en termes de couleur et de vagues, avec celle de la Seine. De plus, il était essentiel d’ajouter Paris en réflexion sur cette eau.
- Pouvez-vous nous raconter des histoires ou des anecdotes sur les coulisses de la production des effets visuels ?
Comme je le disais plus haut, Xavier nous envoyait régulièrement des vidéos pour nous alimenter en références. Et on peut dire qu’il avait un certain talent pour trouver des vidéos de vacanciers se faisant attaquer par des requins. J’avoue ne pas avoir transmis certaines de ces vidéos à nos équipes par peur de les voir tourner de l’œil.
Y a-t-il des moments ou des scènes mémorables du film que vous avez trouvés particulièrement gratifiants ou difficiles à travailler du point de vue des effets visuels ?
Je pense que c’est la séquence de la crypte. Je la trouve très graphique avec la lumière de Nicolas Massart et ces centaines de requins.
- Depuis combien de temps travaillez-vous sur ce film ?
Entre la prépa, le tournage et la post-production, c’est à dire de juillet 2022 à mai 2024, j’ai travaillé quasi deux ans sur le film.
- Quel est le nombre de plans VFX ?
677 en tout – 288 chez MPC dont 110 plans de requins – 319 plans chez Digital – 70 plans chez UFX.
Merci Arnaud et Vincent !